Soirée discussion autour de la frise « Matriochka » au CRAS

jeudi
26
septembre
2019
horaire le CRAS

39, rue Gamelin
métro Fontaine Lestang
Toulouse

Marjo vous invite à une rencontre/débat :

« 1871-2019, une nouvelle ligne historique ? »

Ni table des lois, style Ikéa, ni baguette magique, Matriochka est une invitation au débat. Cette proposition, qui présente de nombreuses aspérités temporelles, se veut plutôt recherche d’un langage commun. Face à l’usine mondiale, au caméléon capitaliste qui broie allègrement hommes, femmes et nature, la seconde vague prolétarienne (1956-1986) n’a pas su inventer une révolution pour le XXIe siècle.
Les contradictions économiques pourtant s’accumulent et la lutte des classes perdure. Une nouvelle génération reprend le flambeau après le séisme financier de 2008.
Où en sommes-nous après la déferlante jaune ?
Que faire des 5 défis qui rongent l’Humanité ?
Une causerie vous attend ...

19h : accueil
20h : discussion

Caviardée, une lithographie (1920) de l’affichiste russe Victor DENI (1893-1946) devient ouverture. Ici, le ballet d’une sorcière a remplacé le chef génial pour nettoyer les écuries d’Augias de toutes les dominations*.
Tout en haut de la frise chronologique, le temps long géopolitique, impérialiste, de la mort de Louis XIV (1715) au grand retour de la Chine après 1979. Cet « empire du Milieu » avait subi au XIXe siècle les ambitions occidentales. Les Chinois d’alors s’étaient vigoureusement opposés aux importations clandestines d’opium organisées par les Anglais qui vendaient la drogue produite dans leur colonie indienne contre l’achat de porcelaine et de thé. Une seconde guerre de l’Opium (1856-1860) vit l’incendie du palais d’Eté de l’empereur par un corps expéditionnaire franco-britannique. De nouveau humiliée, contrainte à d’autres concessions commerciales, la Chine va assister à la montée en puissance du « Soleil-Levant ».
1856 marque aussi la fin de la guerre de Crimée qui opposait depuis deux ans la France, la Grande Bretagne et l’empire Ottoman à la Russie pour le contrôle des détroits du Bosphore et des Dardanelles. Empêchée d’accéder aux mers chaudes, l’expansion russe va se poursuivre à l’Est où est créé le port de Vladivostok (1859 ; « domination de l’Orient » en russe), fenêtre sur l’océan Pacifique.
Enfin, Rosa Luxembourg souligne les origines australiennes du 1er Mai : « Les travailleurs y décidèrent en 1856 d’organiser une journée d’arrêt total du travail, avec des réunions et des distractions, afin de manifester pour la journée de 8 heures. La date de cette manifestation devait être le 21 avril … cette première manifestation eut une telle répercussion sur les masses prolétariennes d’Australie, les stimulant et les amenant à de nouvelles campagnes, qu’il fut décidé de renouveler cette manifestation tous les ans. » voir site marxist.org
Ces trois mises au point concernant une date marquante démontrent à l’évidence l’emboîtement (matriochka), la luxuriance et les frictions entre évènements de l’histoire mondiale.
Au centre est évoqué le rôle crucial des sources d’énergie. L’insulaire Royaume-Uni (environ 15 millions d’habitants – Mh - en 1801, premier recensement), après avoir défait un à un ses principaux rivaux (Espagne, Hollande et France) va soumettre le monde à sa logique fossile. Le charbon, qui lui permet de construire un tissu industriel puissant, va devenir « le moteur et la mesure de toutes les nations commerciales » [MALM** p. 35/ 46]. Dans le sillage de la première guerre de l’Opium [Inde 180 Mh et Chine 330 Mh : DUMONT] les vaisseaux à vapeur britanniques pointent partout leurs canons. Et dépendent toujours plus du coke. « Heureusement », en 1837, un missionnaire va trouver du charbon à Bornéo, vaste île judicieusement placée sur la route de la Chine. La bourgeoisie victorienne va alors prospecter la planète pour récupérer le précieux minerai. Ce dernier abolit même l’esclavage en le transformant en salariat [MOUHOT] ! Bien entendu les grands voiliers vont subsister jusqu’aux années 1930, et le moulin remplit encore son office (moudre et scier) dans mon village pyrénéen jusqu’en 1970. Il est vrai que l’eau et le vent sont gratuits, inépuisables, non-polluants même si irréguliers. Le pétrole [AUZANNEAU] va jouer ensuite un rôle éminent.
Dans cette frise ultra synthétique, nous suivons le fil rouge et noir du mouvement prolétarien et/ ou féministe cherchant à briser ses chaînes. Nous soulignons aussi les « dégâts du progrès » et le rôle réactionnaire de la bourgeoisie internationale, volontiers soudée contre son ennemi de classe !
A partir du cauchemar des guerres (Franco-prussienne de 1870 ; Russo-japonaise de 1904 ; mondiale de 1914), une première vague (1917/ 1937) s’élance à l’assaut du ciel. Sa destruction physique et morale va éborgner la seconde (1956-1986), coincée entre enclume (capitalisme d’Etat URSS) et marteau (capitalisme d’Etat US). L’implosion de l’empire URSS (1989-1991) projette ensuite toutes sortes de débris. Le stalinisme, en s’écroulant, menace d’enterrer définitivement toute tentative d’émancipation. Ce dernier cadeau permet aux puissants d’entonner TINA*** : « Nous ne sommes pas seulement témoin de la fin de la guerre froide, […] mais de la fin de l’histoire en tant que telle : à savoir, le point final de l’évolution idéologique de l’humanité et l’universalisation de la démocratie libérale occidentale en tant que forme finale de gouvernance humaine … » [FUKUYAMA] Il n’y avait qu’un pas pour que Patrick Le Lay, alors dirigeant de TF1, déclare en 2004 : « Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible … » Cette franchise est à la hauteur de l’enjeu : il s’agit bien pour le capitalisme, grâce à la puissance de sa technologie, de coloniser les esprits [BIAGINI].

Mais la réalité allait rattraper ces buveurs de sang, ces marchands d’illusions, ces croupiers de casino en déchaînant le rebond de la Crise systémique, dite des « subprimes », à partir de 2007. Et la lutte des classes resurgir à un moment où l’on pouvait désespérer comme en Algérie (après la « décennie noire »), comme Gilets jaunes en France depuis plus de 6 mois (après trente ans de luttes défensives, de réformisme assumé, de défaites donc).
On le voit, une foule d’informations partiales en peu de signes. Un texte plus charpenté sera peu à peu déposé sur le site « smolny.org ». Mon ambition : rassembler le puzzle de matériaux contradictoires (organisations internationales, insurrections, historiens et simples militants), sans œillères ni tabou, pour que le passé prolétarien continue à abreuver l’avenir humain. Sans prétention, cet outil ne vaudra que s’il débouche sur une discussion réflexive, une critique exigeante et fraternelle, pour aiguiser notre conscience du commun. Alors, vous qui lisez cette contribution, rajoutez votre épice, construisez votre propre frise, groupons-nous et … !
Eternels remerciements aux camarades qui façonnent les armes de la critique ; aux camarades qui osent la critique des larmes ; tendresse infinie pour celles qui éclaboussent nos vies … MarJo

* « Il y a trois sortes de violence.
La première, mère de toutes les autres, est la violence institutionnelle, celle qui légalise et perpétue les dominations, les oppressions et les exploitations, celle qui écrase et lamine des millions d’hommes dans ses rouages silencieux et bien huilés.
La seconde est la violence révolutionnaire, qui naît de la volonté d’abolir la première.
La troisième est la violence répressive, qui a pour objet d’étouffer la seconde en se faisant l’auxiliaire et la complice de la première violence, celle qui engendre toutes les autres.
Il n’y a pas de pire hypocrisie de n’appeler violence que la seconde, en feignant d’oublier la première, qui la fait naître, et la troisième qui la tue. » [CAMARA Hélder (1909-1999), évêque brésilien, dans son ouvrage Spirale de la violence paru chez Desclée de Brouwer en 1970.]

** MALM Andreas, L’anthropocène contre l’histoire – Le réchauffement climatique à l’ère du capital, La fabrique 2017 ; MOUHOT Jean-François, Des esclaves énergétiques, Champ Vallon 2011 ; DUMONT Gérard-François, Les Populations du monde, Armand Colin (2e édition) 2004 ; Géographie des populations, A. Colin 2018 ; AUZANNEAU Matthieu, Or noir — La grande histoire du pétrole, La Découverte 2015 ; BIAGINI Cédric et MARCOLINI Patrick (collectif), Divertir pour dominer, 2 tomes, L’Echappée 2010 et 2019 ;

*** TINA (“There is no alternative”) : slogan idéologique attribué à Margaret Thatcher lorsqu’elle était Premier ministre du Royaume-Uni (1979-1990).

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plus d’infos : collectif-smolny

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